Foto de Lucas Dévé: http://www.flickr.com/photos/31266636@N03/sets/

Les mineurs espagnols, mobilisés.

(Reportage juillet 2012). Après deux mois de grève en réponse à la réduction drastique des fonds pour les mines de charbon, les syndicats et la patronale ont fait une proposition conjointe au gouvernement pour limiter les dégâts sur le secteur. Leur initiative a été rejetée par un gouvernement qui refuse toute négociation. Un coup de massue pour cette activité clé dans l’économie du nord de l’Espagne. Les mineurs reprennent le travail et réorientent leurs protestations.

« Nous avons bloqué des routes des centaines de fois, nous sommes restés deux mois sans salaire, nous avons fait une marche à pied jusqu’au ministère, à Madrid. Tout cela devrait avoir une influence ». José Ángel Dosantos, regarde vers le fond de la vallée en évoquant les actions du collectif mineur. Electromécanicien, il assure la permanence syndicale pendant l’arrêt de son puits, le San Nicolás, près de Mieres (Asturies). À l’intérieur, huit mineurs se sont volontairement enfermés depuis 16 jours, tout comme ceux qui sont depuis 50 jours dans le puits Santiago, à quelques kilomètres de là. Ils contestent tous la décision du gouvernement espagnol de réduire de 64% les fonds destinés en 2012 au charbon, passant de 703 à 254 millions d’euros. Un budget alloué par l’Union Européenne qui prévoit jusqu’en 2018 des fonds spécifiques pour la ré-industrialisation et le développement des bassins miniers. « Nous ne faisons que défendre ce qui a été signé » rappelle José Ángel.

Les termes de la proposition conjointe faite par les deux syndicats, SOMA-UGT et CCOO et le consortium d’entreprises du charbon Carbunión , étaient plutôt arrangeants : ils ne remettaient plus en cause la coupe budgétaire, mais demandaient un étalement de la réduction sur les années à venir, et la mise à disposition de ressources pour empêcher la fermeture des unités pendant l’année 2012. « Il y a une réelle volonté pour trouver une solution qui permette de sauver 2012 » explique Roberto Ordóñez, délégué syndical au SOMA « On ne peut définitivement pas nous reprocher de bloquer les négociations ».

Affiche de soutien. Foto L.Dévé

Affiche de soutien. Photo: D.Alfonso

 

Mais au cours de la réunion du 1er Aout à Madrid entre syndicats, chefs d’entreprise et gouvernement, Fernando Martí, secrétaire d’état à l’Energie, ne souhaite pas entamer un quelconque dialogue « Il n’y a pas lieu de parler d’un nouveau plan pour 2013-2018 avant le bouclage du budget 2013 » a-t-il affirmé, plaçant la crise de la dette à l’origine de cette décision. La veille, dans une chaine télé, le ministre de l’Industrie, José Manuel Soria parlait encore des « privilèges inadmissibles des mineurs » faisant références aux salaires et aux fonds alloués aux pré-retraites.

« Il est inquiétant qu’en plein XXIème siècle, le gouvernement puisse dire que c’est un privilège d’avoir un travail » s’indigne Roberto Ordónez « Il y a des personnes à la mine qui ne touchent que 1 000 €, travaillant à 600 m sous terre. Il y a là l’intention de diviser et de tromper l’opinion publique » se défend-il des nombreuses rumeurs accusant tous les mineurs de toucher plus de 2 000 euros par mois et de profiter de retraites bien garnies. « Ce sont les ingénieurs qui touchent de telles sommes. N’est-ce pas aussi le cas dans d’autres industries? ».

On trouve très souvent cette affiche dans les bars- Foto L.Dévé

Rares sont les commerces qui n’arborent pas leur soutien aux mineurs – Photo: Diana Alfonso

 

Pourtant, dans la ville de Mieres le soutien est réel : nombreux sont les commerçants qui affichent des messages d’appui à la grève et qui fournissent de la nourriture aux enfermés, comme Bea, du bar Polko’s « Nous avons préparé un repas l’autre soir, mais ça n’a pas d’importance. L’essentiel c’est que nous les soutenons moralement, on fera tout ce qu’il faut. Nous avons tous quelqu’un de la famille ou des amis à la mine. Ce village est mineur » dit-elle avec conviction. « S’ils continuent à vouloir couper les fonds c’est la fin du bassin » dit de son côté Javi, serveur à la cidrerie Fulgencio « c’est le charbon qui nous a fait manger toute notre vie ».

D’autres admirent l’union d’un secteur qui a toujours su se rassembler pour défendre ses intérêts : « L’union fait la force » affirme Charly, patron du burger McCharly. Il fait des dons, et a même amené des vivres aux marcheurs engagés dans leur périple jusqu’à Madrid. « Dans la restauration on n’arrive jamais à se mettre d’accord, par contre les mineurs, ça ils savent le faire », remarque-t-il avant de sombrer dans le pessimisme à l’égard de la crise actuelle « Cette fois ci la situation est très compliquée pour tous les secteurs ». Dans cette petite ville de 25 000 habitants, ou près de 10 % de la population travaille à la mine, ce restaurateur ne voit pas l’avenir en rose : « Nous serons touchés par la réduction des aides du gouvernement. Je doute que les loisirs soient une priorité à la rentrée ».

Foto de Lucas Dévé

Photo: D.Alfonso

Suite à l’issue de la réunion avec le gouvernement, les syndicats prévoient un nouveau calendrier de mobilisations, pendant que la patronale annonce « la fin du secteur ». Les mineurs enfermés au puits San Nicolás sont sortis le 2 Aout, et ceux en grève sont revenus au travail le lendemain. Ils regrettent la passivité du gouvernement qui, pour eux, manque de volonté politique « Nous voulons maintenir notre poste, nous savons que c’est faisable» considère Andrés Vallina, mécanicien. Le secteur critique les importations de charbon étranger « rentable uniquement parce qu’il est produit en absence de toute mesure de sécurité et du respect du droit du travail ». En effet, le charbon espagnol reste plus cher que celui venant de l’étranger, malgré les frais de transport.

Pour Javier Fernández, du même puits, la démarche du gouvernement est essentiellement idéologique : « Ils ne sont pas guidés par une quelconque logique économique. On ne touche pas au budget de l’Église, et il y a toujours des fonds pour les excès de Bankia. Mais pour nous, ouvriers organisés il n’y a pas d’argent. Même pas celui déjà donné par l’Europe».